vendredi 21 janvier 2011

Un héros seul maître à bord

Alors qu'il reste peut-être ici ou là quelques traces d'informations sur la surcharge pondérale de monsieur Xavier Bertrand, les médias du jour n'ont pas souhaité s'alourdir de précisions concernant un "incident", somme toute fort banal, survenu hier sur un vol Air-France à destination de Bamako.

Indymedia-Paris, plate-forme qui ne s'intéresse pas uniquement au faciès des policiers en exercice, a relayé de maigres indications sur ce qui est survenu à l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle.

On peut apprendre que vingt passagers, dont trois enfants, ont été débarqués d'un vol Air-France en partance pour Bamako, et emmenés par la police. Parmi eux se trouvaient des militant(e)s allemand(e)s dont l'intention était de rejoindre la caravane pour Dakar.

Ils ont été arrêtés pour avoir nettement protesté contre l'expulsion, sur le même vol, d'une personne entravée, escortée par des policiers auxquels elle tentait de résister.

Le message indique que ces passagers indisciplinés se sont levés de leurs sièges pour protester alors que l'avion avait déjà démarré. Le commandant de bord a pris la décision de revenir au point de départ et de se délester de ces passagers trop turbulents à ses yeux (*).

(Emmenés au poste, ils auraient été tous libérés vers minuit...)

Leur a-t-on reproché une "entrave à la circulation d'un aéronef" ?

J'espère que la compagnie qui les emploie a prévu, pour ces courageux commandants de bord, un système de primes afin de récompenser leur engagement dans cette lutte pour la liberté de circulation des personnes.

Le héros qui a dû faire face, avec l'aide de quelques policiers néanmoins, à une vingtaines de pacifistes mécontents, dont trois enfants, mériterait bien, je trouve, d'arrondir ses fins de mois d'esclave à casquette.



(*) Sans illusion, le message précise :

"Obviousely the air france captain decided to better kick out the people who intervened than to stop the deportation."


Complément:

Après avoir posté ce billet, j'ai reçu ce communiqué de presse du réseau Afrique-Europe-Interact, daté de ce vendredi 21 janvier 2011, à 12h44.

Action de protestation dans les airs : un avion doit faire demi-tour à cause d’une expulsion

Air France fait arrêter des passagers français et allemands après une action contre une expulsion

Paris, le 20 janvier 2011- Des participants d’une caravane qui devait se rendre du Mali au Forum social de Dakar ainsi que d’autres passagers ont protesté jeudi après-midi à bord d’un appareil d’Air-France contre une expulsion brutale. En raison de cet acte de protestation, le vol AF 3096 de Paris à Bamako a été interrompu et obligé de retourner à l’aéroport de Charles de Gaulle. Sur le tarmac, la police a arrêté 17 passagers dont 8 allemands pour les placer en garde-à-vue. Le passager Michael Hackert relate les événements à bord de l’avion de la manière suivante : « Alors qu’un homme ligoté et accompagné de plusieurs policiers s’opposait à son expulsion forcée, des passagers se sont solidarisés avec lui en se levant de leurs sièges. » Bien que cet acte de protestation se soit déroulé pacifiquement, Air France a laissé la police emmener 17 passagers, dont 3 enfants.

Une deuxième tentative d’expulsion de la personne en question a été entreprise, mais sans succès, selon les dires des activistes maliens de Bamako.

« Air France se fait encore une fois la complice de la machine à expulser européenne » commente Marion Bayer du réseau Afrique-Europe-Interact qui réunit des activistes maliens et européens. Parmi les personnes interpellées neuf font partie de ce réseau. Elles avaient l’intention de porter leur lutte pour la liberté de circulation et les mêmes droits pour tous au Mali et au Sénégal, au moyen d’une caravane.

C’est déjà la troisième fois, en l’espace d’une semaine, que des vols à partir de Paris sont retardés : vendredi passé, lors du vol AF946 à destination de Douala (Cameroun), des passagers se sont levés pour protester contre une expulsion. Quatre d’entre eux avaient été sortis de l’avion et ont du subir un contrôle d’identité. Mercredi matin, plusieurs passagers ont refusé de prendre place dans l’avion de la Royal Air Maroc pour s’opposer à une expulsion. L’appareil est parti avec une heure et demie de retard, sans les deux prisonniers. Certains employés d’Air France se sont déjà prononcés en 2007 pour que cessent les vols d’expulsion de leur compagnie, jusqu’à présent sans succès.

La réaction courageuse de ces passagers aura probablement des suites juridiques en France. Au Mali par contre, il leur sera certainement réservé un accueil chaleureux. Un des principaux groupes qui a participé à organiser cette caravane se trouve être justement constitué de personnes ayant une expérience personnelle de la brutalité pratiquée dans les avions.

Les participants de la caravane veulent poursuivre leur voyage le plus vite possible vers Bamako pour arriver à temps, le 25 janvier, pour le départ de cette tournée. Le terminus de la caravane est à Dakar, où se déroulera du 6 au 11 février le prochain Forum social mondial.

Le réseau Afrique-Europe-Interact lance un appel aux dons pour de nouveaux billets d’avion et d’éventuels frais juridiques.

13 commentaires:

Floréale a dit…
Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.
Marianne a dit…

Il y a peu, à Paris, je me dirigeais vers un vendeur, pakistanais je pense , pour acheter des fruits . Deux policiers me précédent , lui demandent ses papiers .Dans la minute qui a suivit il a été prié de remballer son étal et de les accompagner . Je me suis sentie très lâche ce jour la mais que pouvais je faire .
Il n' y a pas de primes pour les courageux CDB qui débarquent des passagers qui perturbent le déroulement d'un vol . Il y a des sanctions pour ceux qui refusent de partir avec des reconduits frontières . Les CDB se doivent d'assurer la sécurité et le bien être de tous les passagers .Il faut mieux prendre cette décision au sol car à 9000 métres d'altitude .Le non menottage des reconduits frontières à bord des avions de ligne est , a été plusieurs fois demandé par les personnels d'Air France . Résultat , les reconduits ont été embarqués par l'arrière de l'avion .
La politique de la France concernant l'expulsion des ressortissants étrangers n'est pas glorieuse , les centres de rétention sont une abomination , mais ce n'est pas le personnel des compagnies aériennes qui reçoit l'ordre du ministére de l'intérieur qui pourra la changer .

Guy M. a dit…

Ce qui est regrettable (le mot est faible), c'est d'entendre si peu de protestations de la part des personnels. Car si la direction a des moyens de pression, ils en possèdent de beaucoup plus importants.

Combien de temps durera encore ce mutisme (car ils pourraient au moins parler, témoigner...) et cette soumission d'esclaves bâillonnés par la "crise" ?

Marianne a dit…

Je ne vois toujours pas ce que vous souhaiteriez de la part du personnel des compagnies aériennes ? Le fait qu'il refuse d'accepter les expulsés , hélas ne changerait rien au sort des reconduits frontières qui finiront par être transportés d'une manière ou d'une autre et cette fois peut être dans de pires conditions .
De plus le transporteur est responsable des passagers qu'il améne dans un pays si ceux ci ne sont pas en régle , il se doit de les ramener au point de départ et de s'acquitter d'une amende.
Seuls les passagers refusant de partir sont menottés et accompagnés .
Pourquoi ne pas demander à la police de ne pas accepter ces escortes .
Pendant un moment les policiers avaient des bonus et grace aux reconduits frontières , ils gagnaient des miles et obtenaient des billets gratuits. Ceci a été dénoncé et terminé j'espère .

Sue Pollet a dit…

Ainsi, si nos actions ne sont pas suivies d'effets, il est inutile de les mener ? Inutile pour le personnel d'Air France d'exprimer nettement sa désapprobation, inutile de refuser de participer activement aux expulsions puisque celles-ci auront lieu de toutes façons, avec ou sans leur concours ?
Mais si ça marchait vraiment comme ça, on ne ferait jamais rien et plus personne ne pourrait se regarder dans une glace, le matin !
Cette politique d'expulsions ne peut être menée que "grâce" à chacun des maillons qui l'exécute. Et je veux croire que si chacun-e faisait selon sa conscience, ça marcherait beaucoup moins bien.

Marianne a dit…

Bien sur qu'il faut agir mais judicieusement et en amont .

Sue Pollet a dit…

Non, vraiment, je ne crois pas. Il me semble tout le monde doit agir, à son niveau et selon sa conscience, sans se décharger sur les autres ou renoncer "parce que ça ne sert à rien". Ce n'est pas le "judicieux", mais le "juste" vers quoi il faut tendre individuellement.
C'est vachement facile de s'en remettre systématiquement à ceux et celles qui sont "en amont", quand même...

Guy M. a dit…

Le point de vue de Sue Pollet, qui se retient manifestement de déborder, exprime l'essentiel de ce qui aurait pu être ma réponse.

Merci à elle. Je n'aurais peut-être pas su réagir à l'argument "ce que nous refuserions de faire, d'autres le feront de toute façon", sans évoquer ce qu'il est convenu d'appeler "les périodes sombres de notre histoire". (Je ne suis pas très habile, parfois.)

A propos de ce vol pour Bamako perturbé, je viens de recevoir un lien vers un autre témoignage, paru dans L'UNION - Champagne Ardenne Picardie, sous le titre Gardé à vue pour avoir filmé une expulsion.

Marianne a dit…

Pour juste préciser ma pensée et en lisant le papier de l'union , ces gens qui partaient avec couvercles de bocaux et aide à la fabrication de confitures auraient été plus utiles las bas plutôt que de filmer . Je n'ai jamais écrit qu'il fallait laisser faire mais il arrive un moment ou il faut privilégiér les actions que l'on souhaite mener pour que le monde s'améliore .
Je connais bien le probléme des reconduits frontières pour l'avoir véçu des centaines de fois. Je n'ai jamais , pour avoir été confrontée plusieurs fois aux forces de l'ordre , confondu ces derniers avec des bisounours .
s'opposer à la police lors des expulsions ne fait qu'empirer les
conditions de retour des expulsés.

Guy M. a dit…

Mézalors, témoignons, affirmons notre opposition !

Air France mériterait bien un "livre noir", non ?

Anonyme a dit…

@Marianne:
je suis l'expulsé(e).Quand j'ai vu des gens se lever dans l'avion, j'ai découvert(re-découvert)que la planète est habitée par de humains, mes Semblables.ça ne changait strictement rien à mon sort,mais ça m'a fait chaud au coeur. Dans la galère, et ailleurs, les trucs qui font chaud au coeur sont inestimables. Et ça raffermit l'humanité.
Au débarquement, après enlèvement de l'adhésif qui m'empêche de crier, sur mes lèvres tuméfiées flottera l'esquisse d'un sourire..
Michel

emcee a dit…

Pas facile d'être un/e héros/héroïne.

Tout(e) seul(e), tenir tête à la police, sa compagnie, la majorité des passagers qui veulent arriver à destination à l'heure prévue, etc. et en plus, ne pas enfreindre les impératifs de sécurité, eh bien, cela demande un sacré courage.
Et je dis bravo à ces personnes.
Mais ceux qui ne le font pas ne sont pas forcément des lâches dans ces circonstances.

Guy M. a dit…

Alors que nous risquons de tourner un peu en rond ici, les résistants franco-allemands ont (un peu) franchi le mur du silence:

sur les Inrocks,

sur Rue89,

et sur Big Brother.