mardi 30 août 2011

La réalité roumaine

Seuls les esprits malintentionnés entendront se développer la grille harmonique de la xénophobie dans les propos que monsieur Claude Guéant a tenus hier (sur BFM TV/RMC) :

"La délinquance roumaine est une réalité. Il faut que nous la combattions."

A-t-il dit.

"La présence de Roumains délinquants dans notre pays est quelque chose de préoccupant."

A-t-il ajouté.

Et malgré le diplôme de nullité absolue dans le domaine statistique qui lui a, si mes souvenirs sont bons, été attribué par la direction de INSEE (Institut National de la Statistique et des Études Économiques), notre persévérant ministre de l'Intérieur a tenu à soutenir sa préoccupation d'un argument irréfutable :

"2 % de la délinquance en France sont le fait de Roumains et presque la moitié des délinquants roumains sont des mineurs."

Monsieur Claude Guéant, statisticien préoccupé à verres progressifs.
(Photo : Edouard Coulot.)


L'énoncé de ce pourcentage faramineux, bien sûr, vous fait rapidement passer le goût de l'ironie facile, avant même que vous ne songiez à vous demander ce que signifie au juste l'expression "la délinquance en France" - s'agit-il du nombre de plaintes enregistrées, d'interventions policières effectuées, d'affaires élucidées, de délits sanctionnés ?

Car c'est énorme !

Et vous êtes atterré.

Évidemment, on peut entendre, ici ou là, les hideux ricanements de quelques prétendus esprits forts qui demandent au ministre de l'Intérieur de s'occuper des 98% restants avant de se préoccuper de ces pauvres 2%.

Peut-être pour faire taire les sarcasmes de ces mauvais esprits, les rédacteurs de l'AFP rappellent la dépêche de fin juillet où l'agence révélait les résultats d'une "étude policière" établissant que "la 'délinquance générée par les ressortissants roumains' en région parisienne a[vait] augmenté de 72,4 % au premier semestre 2011 par rapport au premier semestre 2010."

(Un pourcentage d'augmentation de 72,4%, avouez que ça impressionne, non ?)

Pour les amateurs de forts pourcentages et de journalisme à l'estomac, il est conseillé de se reporter à l'article de Jean-Marc Leclerc paru dans le Figaro-point-fr du 22 juillet 2011, intitulé sans ambiguïté La délinquance roumaine se fait plus agressive.

On peut y lire, en incipit :

De Paris à Marseille, la «délinquance roumaine» donne du fil à retordre aux autorités. Dans la capitale, un rapport de la police d'agglomération révèle qu'elle a augmenté de plus de 72% au premier semestre 2011, la police ayant mis en cause 5.860 ressortissants de ce pays, de janvier à juin, contre 3.294 sur les six premiers mois de 2010.

On retrouve donc la fameuse "étude policière" et les chiffres préoccupants de cette "réalité" que monsieur Guéant entend combattre.

Mais il y a plus, grâce en soit rendue au travail d'enquête de Jean-Marc Leclerc, grand reporter au Figaro :

Cette délinquance, souvent très jeune, frappe tous azimuts, du vol de portefeuille aux escroqueries à la charité, en passant par les vols d'espèces au préjudice des personnes âgées qui utilisent des distributeurs de billets. Depuis peu, elle a jeté son dévolu sur les téléphones mobiles, imprudemment posés sur les tables, aux terrasses des bistrots, tandis que se développent les vols de cuivre, dont les cours s'envolent sur les marchés (...).

Plus loin, on admire le courage de l'auteur, qui a su se risquer dans certains secteurs exposés de la capitale, et son délicat talent descriptif et narratif :

À Paris, il suffit de traverser les quartiers à affluence touristique pour constater le changement de climat. Par grappes, filles ou garçons, ils se déploient autour des grands magasins et des sites historiques, les uns semblant guetter leur proie, les autres sillonnant la foule en tous sens, comme des volées de moineaux, se hélant d'un trottoir à l'autre, tour à tour souriants et provocateurs.

Avec une grande conscience professionnelle, il est même allé se renseigner auprès du commissaire divisionnaire, "mobilisé à temps plein sur cette population bien spécifique" :

Le commissaire Beretti s'inquiète cependant d'une nouveauté dans le comportement de ces très jeunes voyous: «Comme ils se savent protégés par les lois sur les mineurs, explique-t-il, à force d'impunité, ils développent des comportements agressifs, n'hésitant plus à jeter une grand-mère à terre pour quelques euros, ni même à frapper les policiers qui les arrêtent.»

Cet article est malheureusement paru alors que monsieur Claude Guéant, encore hospitalisé, ne donnait guère d'entretiens et ne prononçait guère plus de discours. Il n'a donc pu rebondir sur ce sujet - d'ailleurs, à l’époque, le trampoline devait lui être déconseillé par ses médecins. Mais on voit que ce n'est que partie remise.

Et, maintenant que notre ministre a comme des coronaires d'acier, cette partie semble prometteuse...


dimanche 28 août 2011

Un blogueur de moins à l'Élysée

Il faut bien reconnaître que, à quelques accommodements près, la pensée sarkozyste la plus constante, depuis le début, est celle qui s'acharne avec détermination et rigueur à "résoudre" le "problème" de l'immigration. Cette doctrine est, on le sait, produite par quelques neurones mercenaires, issus de la haute administration et exerçant à l’Élysée avec le titre - ou le rang, je ne sais - de conseiller spécial - ou ordinaire, je ne sais - du président de la République.

L'un des éléments essentiels du réseau neuronal produisant la pensée relative à la politique sarkozyenne sur l'immigration, euphémisée technocratiquement en "gestion des flux migratoires", était monsieur Maxime Tandonnet, officiellement conseiller affaires intérieures et immigration auprès de la présidence de la République. Son nom est loin d'être inconnu des opposants à ses idées qui ont eu maintes occasions de lui envoyer des courriels (bien polis, surtout bien polis) de protestation, mais cette notoriété reste tout de même assez limitée. Seuls les plus attentifs d'entre nous reconnaîtront en lui le plumitif présumé rédacteur du discours sécuritaire xénophobe prononcé par monsieur Nicolas Sarkozy, le 30 juillet 2010, à Grenoble.

Discours de Grenoble : le président entre ses deux souffleurs.
(Photo : L. Cipriani / AP / SIPA.)

Monsieur Tandonnet est aussi membre de la blogosphère depuis le 7 octobre 2010, date à laquelle il a ouvert son blogue personnel, qui porte le titre sans ambiguïté de "Maxime Tandonnet - Mon blog personnel", par une notule souhaitant la bienvenue à ses lecteurs et explicitant ses intentions :

Alors que de nombreuses informations infondées, malveillantes, parfois insultantes, ont été colportées à mon sujet par certains médias sur Internet ces derniers temps, cet espace vise à vous permettre de vous forger votre propre opinion.

Vous y trouverez des éléments vous permettant de mieux me connaître, bien au-delà de l’image caricaturale et blessante qui a pu être donnée de moi-même.

On peut estimer qu'il y a beaucoup mieux à faire que de chercher à connaître un "passionné d’histoire et de musique classique, joueur de tennis, (...) également l’auteur de nombreux ouvrages à caractère historique ou en relation avec des faits de société", mais puisqu'il est par ailleurs penseur à plein temps de monsieur Nicolas Sarkozy depuis 2005, pourquoi pas ?

En ses débuts, la page auto-promotionnelle de monsieur Tandonnet était alimentée de billets présentant son dernier ouvrage (1940 : un autre 11 novembre, Tallandier, 2009), d'un article paru dans la revue de l'AAEENA (association des anciens élèves de l’ENA) , de notes de lectures (sur Le déni des cultures de Hugues Lagrange ou sur Le paradoxe français de Simon Epstein), d'un florilège de citations personnelles (Péguy, Nietzsche, Churchill, Chateaubriand et Montaigne)... Les convictions du blogueur apparaissaient, bien sûr, de manière bien marquée par un changement de style, comme en témoigne ce passage extrait du billet du 13 janvier 2011, intitulé Du pacifisme à l’angélisme :

L’angélisme est aussi une version contemporaine du pacifisme au sens où il place les bons sentiments humanitaire au premier plan de ses valeurs. Il secrète une fausse générosité, fondée sur le principe d’accueil inconditionnel, sans la moindre considération ni pour le sort réel de celui qui est accueilli ni pour l’impact de sa venue dans le pays de destination. Il se nourrit d’hypocrisie, de tartufferie, de bigoterie : l’accueil oui, mais jamais chez moi, pas dans mon jardin, ni dans mon quartier, ni dans l’école de mes enfants. Il déteste la vérité, érige en tabous absolus des questions de société comme celle de l’identité. Il développe enfin une intolérance, une haine féroce envers ceux qui osent s’en prendre au dogme, aussitôt insultés, dénoncés, diabolisés, jetés en pâture, traînés dans la boue ou devant les tribunaux.

(Cette phraséologie ne nous est pas totalement étrangère, on peut même dire qu'elle est tout à fait nationale...)

Au fil des texticules postés par notre blogueur, ces fermes convictions sont de plus en plus détaillées, dans ce même style méprisant et condescendant qui est souvent l'apanage du possesseur de vérité - vérité en grande partie fondée, dans le cas de monsieur Tandonnet, sur son interprétation infaillible des statistiques.

Pourtant, en bon bordelais d'origine, notre penseur se pose comme un grand lecteur de Montaigne - on a échappé au pire car c'était lui, ou Mauriac, ou Sollers... On le savait depuis la lecture de son carnet de citations préférées, mais il nous le rappelle encore dans un billet du 25 juillet où il prétend, "sans prétention", exposer des "réflexions sur la nature humaine", vieux poncif du conservatisme bien conservé. Il le fait en des termes quelque peu dédaigneux envers les lecteurs de son blogue :

Montaigne est l’un de mes auteurs favoris. Les Essais, écrits en vieux français, sont d’un abord difficile au début ; mais, à condition de se plonger dans l’œuvre, on s’habitue au style tortueux de l’écrivain qui recèle une pensée d’une modernité et d’une lucidité parfois époustouflants (sic).

Incontestablement, de ce Montaigne "d’un abord difficile au début" et "au style tortueux", mais "d’une modernité et d’une lucidité parfois époustouflantes", notre lecteur n'a pas trop retenu les grandes leçons de scepticisme...

(On peut lui suggérer, par exemple, cette citation qui semble applicable aux façons que nous avons de construire des vérités incontournables : "Ce que j’opine, c’est aussi pour déclarer la mesure de ma vuë, non la mesure des choses." Essays, II,10,389a.)

Maxime Tandonnet, lecteur de Montaigne et blogueur.
(Photo : Michel Monteaux / Le Figaro Magazine)

Quelques temps après le départ de monsieur Claude Guéant au ministère de l'Intérieur, notre modeste blogueur allait livrer, en date du 1er avril 2011, un billet, intitulé Le garrot, qui devait notamment attirer l'attention d'Abel Mestre et Caroline Monnot, rédacteurs du blogue Droite(s) Extrême(s). Dans ce texte, monsieur Maxime Tandonnet feint de s'interroger sur ce qu'il désigne comme "une prolifération de décisions des juridictions dans les domaines régaliens" qui, selon lui, "deviennent un obstacle réel à la conduite des politiques". Il décrit ainsi ladite "prolifération" :

Un double mouvement est ainsi à l’œuvre : d’une part l’empilement de lois européennes, de règlements et de directives, qui échappe au contrôle des autorités nationales les décisions étant prises à la majorité qualifiée et en « codécision » avec le Parlement européen ; d’autre part des juridictions, européennes et française, cour de justice européenne, cour européenne des droits de l’homme, conseil constitutionnel, cour de cassation, conseil d’État qui s’appuient sur ces textes, sur ces normes pour développer des jurisprudences dont l’effet est d’entraver l’action des pouvoirs publics.

(Sur les sept exemples donnés de telles entraves à la bénéfique "action des pouvoirs publics", les six premiers concernent les questions d'immigration...)

Notre haut fonctionnaire voit soudain "l’État de droit (...) s’emballer, devenir comme fou, au détriment de l’autorité politique, contre le pouvoir du peuple et celui de ses représentants élus, contre la démocratie". Et, avant de conclure par un joli lieu commun toujours efficace, "trop de droit finit par tuer le droit", il place son "analyse" idéologique :

(...) les instances européennes, les juridictions suprêmes font partie de ces élites sous l’emprise de la pensée unique sur la sécurité et l’immigration, qui privilégient les droits formels des individus sur l’intérêt général ou celui des personnes dans leur vie quotidienne.

Puis il dégaine "son" idée :

On ne pourrait vraiment sortir de ce mécanisme que par une logique de recours au référendum, si un jour les conditions politiques le permettaient sans risque de confusion entre la question posée et un vote de protestation. Face à une décision émanant directement du peuple, on peut supposer que les hautes juridictions choisiraient de se soumettre, sauf à abolir ouvertement la démocratie.

Cette sophistique populiste n'est, de toute évidence, pas très éloignée de celle du Front National, ainsi que l'ont souligné Abel Mestre et Caroline Monnot. Mais elle est surtout nourrie de la volonté de rendre possible un des grands rêves de tous les régimes autoritaires : se débarrasser de tout contrôle juridique dans la mise en application des décisions prises par l'exécutif au nom de "l’intérêt général".

Après tout, lieu commun pour lieu commun,
on ne va pas se priver...


Il n'est pas impossible que l'expression publique de telles opinions ait été jugée inopportune par le nouveau secrétaire général de la présidence de la République française, monsieur Xavier Musca - à l'époque, le Figaro a annoncé que monsieur Maxime Tandonnet allait mettre son blogue en veilleuse sur les sujets politiques...

Le 24 de ce mois, le même Figaro annonçait que, n'ayant pas "su trouver sa place dans la nouvelle équipe élyséenne, remaniée après le départ de" monsieur Claude Guéant, "le coauteur du discours de Grenoble quitt[ait] l'Élysée", et le 25, "Maxime Tandonnet - Mon blog personnel" confirmait partiellement l'information.

Aussitôt, un communiqué de madame Marine Le Pen, présidente du Front National, rendait un hommage très appuyé au conseiller écarté :

Nicolas Sarkozy envoie un signal très clair en se privant des services de son conseiller Maxime Tandonnet : il n’y a strictement rien à attendre de lui en matière d’immigration.

(...)

En effet, dans l’entourage de Nicolas Sarkozy, Maxime Tandonnet était l’un des seuls à avoir une vision réaliste du grave problème de l’immigration massive.

Malheureusement, Nicolas Sarkozy n’a jamais suivi la ligne de son conseiller, en menant une politique d’immigration très laxiste (203 000 étrangers légaux accueillis en 2010 en France, un record, contre 114 000 en 2000 sous Lionel Jospin).

L’éviction de Maxime Tandonnet marque cependant une étape supplémentaire : seule la bien-pensance immigrationniste est désormais tolérée dans les couloirs de l’Elysée.

Il semble bien que l’intéressé n'ait pas apprécié ce beau, mais peu discret, témoignage d'estime.

Il a jugé bon d'y répondre, en une "mise au point", postée hier, où il "déplore et rejette toute récupération politicienne [le] concernant" - graissé dans le texte - et où il affirme :

Je ne suis en aucun cas « anti-immigration » (...).

On ne fera pas d'ironie facile - je crois que monsieur Tandonnet n'aime pas cela -, mais on pourra tout de même remarquer que c'était très bien imité.


jeudi 25 août 2011

Nos très riches sont formidables

Ce fut une grande et belle soirée de réjouissances diverses, hier soir au Clair de Lune, le café-bar-tabac-journaux-pmu-loto-et-plus-si-affinités que notre ami Pierrot tient de manière exemplaire sur la place de l'église, à Trifouillis-en-Normandie. Son établissement est aussi, on le sait, le siège occasionnel et permanent de notre association, la Rébloguique des Ploucs, dont je suis provisoirement le Résident-Frondateur. Notre influence, quasiment sans limite dans celles du canton de Trifouillis, se heurtait, jusqu'à présent, au terrible mur de silence dressé par les zinzinfluents autoproclamés, tenanciers des agences de notation bloguistiques, mais cette période est désormais dépassée, et c'est cet événement décisif que nous fêtions chez Pierrot, en un raout dont les échos ont longtemps résonné dans la nuit normande.

Anéfé, la campagne d'opinion "Taxez-nous ! Même pas peur !", que nous avions lancée il y a peu dans une tribune du très sérieux Monde Agricole et relayée dans nos blogues, a été reprise, sous la forme portative d'un "appel" à résonance nationale, hébergé par le très sérieux Nouvel Observateur Rural.

Et cet appel de cinq gros fumeurs prêts à payer encore plus de taxes, a été entendu par monsieur Fillon lui-même.

Ce texte, rédigé en collaboration avec le talentueux Rolland Coprin, est suffisamment connu maintenant du grand public pour qu'il soit inutile de le citer intégralement. Rappelons seulement que, conscients de bénéficier du bonheur de fumer, jusqu'à ce que mort lente et douloureuse s'ensuive, dans un environnement français et européen auquel nous sommes très attachés, nous y souhaitions, face à la terrible crise dite de la dette, l'instauration d'une "contribution permanente" qui toucherait les fumeurs français les plus obstinés. Nous proposions que cette contribution soit calculée dans des proportions raisonnables, dans le souci d'éviter les effets économiques indésirables tels que la baisse brutale du nombre de gros tabagiques ou encore la fuite des fumeurs vers l'étranger pour aller y fumer du belge.

Nous nous réjouissons de voir nos propositions reprises, quasiment mot pour mot, par le premier ministre.

En fin de soirée, beurrés comme des queues de pelles et ronds comme des sablés nantais, mais encore animés d'un civisme à toute épreuve, nous prîmes l'engagement bruyant et solennel de passer tous nos ouiquendes dans des parcs d'attraction, à fumer comme des sapeurs, en buvant des alcools forts additionnés de sodas (avec sucre ajouté).

Avec une bonne mutuelle, nous devrions encore tenir un moment et vaillamment contribuer au règlement du problème de la dette.

Faudrait tout de même pas que notre beau pays soit mal noté !

Une vue saisissante de la soirée d'hier dans la salle polyvalente.
(On peut me voir, au centre, avec le chapeau,
entrainant l'escouade des pom-pom boys
de la société de chasse de Trifouillis.)

Les seize "très riches Français" qui ont signé l'appel du Nouvel Observateur ont été, semble-t-il, beaucoup plus discrets que les blogueurs de Trifouillis. J'ai cherché en vain, dans la presse de ce matin, la photo de groupe les réunissant autour de Laurent Joffrin, coupe de champagne à la main et gros cigare au bec, pour fêter dignement la réussite de leur exemplaire opération de communication "Taxez-nous ! Mais pas beaucoup !", initiée par une tribune de monsieur Maurice Lévy, président du directoire de pub-pub-Publicis, parue dans le Monde.

Ils avaient pourtant deux bonnes raisons de se réjouir; la première étant d'avoir réussi à faire passer dans l'opinion, en empruntant la voie d'une presse dite "de gauche", l'idée d'être "conscients d’avoir pleinement bénéficié d’un modèle français et d’un environnement européen auxquels nous sommes attachés et que nous souhaitons contribuer à préserver"; et la seconde étant de s'en tirer à moindre frais, puisque, comme suggéré, leur "contribution exceptionnelle" a bel et bien été "calculée dans des proportions raisonnables, dans le souci d’éviter les effets économiques indésirables tels que la fuite des capitaux ou l’accroissement de l’évasion fiscale".

(Au moins l'un d'entre eux n'est pas content : on apprend que, par excès de vraie lucidité ou regain de fausse culerie, monsieur Claude Perdriel, président du conseil de surveillance du Nouvel Observateur, juge "ridicule" le montant de la taxe prévue sur les gros revenus.)

Les amateurs de trombinoscopes pourront néanmoins retrouver ces grandes et nobles figures sur le site de l'Expansion, avec quelques données chiffrées, accompagnées de quelques-uns de leurs comparses, qui se sont déclarés (en gros) d'accord avec eux mais qui n'ont pas signé l'appel.

Cela leur permettra de constater qu'il manque pas mal de beau et grand monde dans ce quarteron au carré de "très riches" qui nous la jouent sympa-c'est-nous-qu'on-va-payer...

Mais on ne va pas s'en plaindre. Il est, somme toute, rassurant de savoir qu'il y a encore, chez nous, de vrais riches sachant encore faire leur métier de riches, qui est de créer de la richesse et non pas de payer des impôts - même ceux que, par extraordinaire, ils doivent - et ne vont pas courir comme des dératés vers de nouvelles taxes.

Au cas où ils se sentiraient quelque peu mal aimés, ayant raté l'opération publicitaire orchestrée par le Nouvel Observateur, on leur conseillera d'écouter l'échange matinal de samedi dernier, entre Michel Pinçon, sociologue, et Pascal Salin, philosophe et économiste, sur France Inter. Ils pourront y entendre l'émérite monsieur Salin défendre leur liberté fiscale en agitant le drapeau d'un libéralisme flamboyant :

S'il y a des paradis fiscaux, c'est qu'il y a des enfers fiscaux; et la France est un enfer fiscal. Je préférerais que ce soit un paradis fiscal et que tous les gens viennent en France pour créer de la richesse, et qu'on ait encore plus de riches. Et tout le monde en profiterait parce qu'on aurait un dynamisme économique extraordinaire.

(Ce visionnaire, à qui personne, sauf sur France Inter et dans les programmes de l'été, ne demande son avis, a fait paraître en 2010, aux éditions Odile Jacob, un ouvrage ambitieux intitulé Revenir au capitalisme, pour éviter les crises. Prophétique, sûrement...)

mardi 23 août 2011

Socialisme au Kärcher®

Les amateurs de démocratie représentative peuvent s'estimer heureux : nous voterons bientôt et il est fort probable que les deux tours de scrutin se tiendront avant la fin du monde. Et les primaires du Parti (dit) Socialiste leur fourniront sous peu toutes les jouissances ineffables qu'ils sont en droit d'attendre d'un épisode de préchauffage. Certains ont déjà pu en avoir un avant-goût si leur route vacancière a croisé la très mobilisatrice "Caravane des Primaires" que le PS a mis en place "pour sensibiliser les citoyens aux Primaires citoyennes" - qui sont ouvertes, on le sait, à tous les citoyens de citoyenneté citoyenne avérée.

La carte du parcours qui s'achèvera le 25, à La Rochelle.

Je n'ai pas eu la chance de rencontrer cette caravane citoyenne au cours de mes déplacements, et on comprendra qu'il n'était pas question pour moi de faire un détour. Cela explique que j'ignore totalement de quelle manière les vaillant(e)s militant(e)s du Parti (dit Socialiste) entendaient "encourager les citoyens à venir participer aux primaires citoyennes". Peut-être y distribuait-on des ballons, des casquettes et des ticheurtes, avec des tracts en supplément pour donner aux citoyens un peu de lecture citoyenne, le tout dans une ambiance ludique de très bon aloi...

... et un environnement assez festif, on dirait...
(Photo : Guillaume Daudin - AFP)

Lundi dernier, à Nantes, la pimpante caravane du PS a rencontré un groupe de citoyens partisans d'une démocratie certes un peu frustre mais franche et directe.

En voici le récit abrégé, copicollé du quotidien Ouest-France :

Une trentaine de personnes au visage cagoulé ont surgi ce lundi matin vers 11 h dans le quartier Bellevue, à Nantes, où était stationnée la caravane des primaires du PS. Elle venait d’arriver de Saint-Nazaire, une heure auparavant. Ils ont saccagé le camion : pneus crevés, vitres détruites… Du purin a été déversé dans la cabine du camion. Ils ont taggé le véhicule et crié des insultes à l’égard des militants du Mouvement des jeunes socialistes (MJS) qui étaient présents.

Des coups ont été portés contre les militants qui tentaient de s’interposer. "Ils ont même essayé de renverser la caravane", explique un membre du MJS local. "C’était une opération commando qui a duré une à deux minutes."

La dépêche de l'AFP attribue d'emblée cette action à des personnes "opposées à la construction du nouvel aéroport à Notre-Dame-des-Landes", et rassure les sympathiques sympathisants du socialisme citoyen :

La caravane a été dépannée et en début d'après-midi les militants s'étaient installés au cœur de Nantes pour continuer à informer sur les primaires, en présence du président de la région Pays-de-la-Loire, Jacques Auxiette (PS) (...).

(On peut donc espérer que, généreusement aspergé de parfum à la rose, le camion arrivera bien, comme prévu, à La Rochelle le 25 août.)

Rappelant très rapidement, en son dernier paragraphe, que le calamiteux projet d'aéroport "qui doit être construit par le groupe Vinci à Notre-Dame-des-Landes à 30 km au nord de Nantes", "soutenu par toutes les collectivités locales socialistes", "suscite l'opposition de plusieurs collectifs rassemblant des agriculteurs, des habitants et des militants anarchistes installés sur le site", cette dépêche fait la part belle aux réactions unanimes de désapprobation des tenants de la démocratie élective.

Sont notamment cités, les duettistes socialistes se partageant le pouvoir dans la région, assavoir messieurs Jean-Marc Ayrault, président de Nantes Métropole et député-maire de Nantes, et Jacques Auxiette, président de la région Pays-de-la-Loire :

"Une fois encore, une frange extrémiste des anti-aéroport a recours à des méthodes qui ne sauraient trouver leur place dans une société démocratique, discréditant ainsi un peu plus leur mouvement."

Ont-ils déclaré dans un communiqué.

(On signale aussi que Europe-Écologie-Les-Verts, dont l'opposition au projet "s'inscrit uniquement dans un cadre démocratique et pacifique" n'a pu se retenir de condamner "fermement" l'action menée lundi.)

Je n'ai malheureusement pas retrouvé les propos que j'ai entendus dans la journée de lundi sur une chaîne de radio...

Un meussieu du Parti (dit) Socialiste y réagissait au débotté devant un micro ouvert. Il semblait tout émotionné, ce meussieu, et commença par oublier quelque peu le sens des mots en évoquant la notion, au demeurant complexe, de terrorisme... Il frôla la dénonciation en indiquant que, malgré leurs cagoules, les intervenants étaient bien connus, puisqu'ils habitaient dans des squats... Et il conclut en faisant une curieuse référence aux antiques propos de monsieur Nicolas Sarkozy sur l'opportunité de l'utilisation du Kärcher®, estimant, pour sa part à lui, le meussieu du PS, qu'il faudrait bien donner quelques coups de ce performant nettoyeur du côté de Notre-Dame-des-Landes...

A mon avis, le seul endroit où l'emploi du Kärcher® pouvait, à l'heure où il parlait, être de quelque utilité, c'était la caravane.



PS : Sans que l'on sache comment on avait bien pu les retrouver - mais peut-être habitaient-ils dans un squat -, six personnes ont été arrêtées lundi - voir quelques nouvelles sur IndyMedia. L'AFP précise qu'ont été interpellés et placés en garde à vue un Français, un Allemand, un Américain, un Australien et deux Britanniques.

Le raton-laveur, lui, court toujours.


Et ajout du 24/08 :

La coordination des opposants à l'aéroport a jugé bon, et sans doute très citoyen, de condamner l'action menée contre la caravane du PS, et, par suite, de se désolidariser des personnes arrêtées, en publiant ce court communiqué en forme de faux-cul :

"La coordination des 40 organisations opposées au projet d'aéroport à Notre-Dame-des-Landes condamne les actions violentes récentes qui ont visé le siège régional d'Europe-Ecologie-Les Verts et la caravane des primaires du Parti Socialiste. En dépit des pressions de toutes sortes, nous maintenons notre cap : des arguments très solides, un mouvement uni, des actions non violentes, à visage découvert."

En parlant de "mouvement uni", la coordination invente l'humour vert.

lundi 22 août 2011

Le poids d'une vie

Très professionnels, les exécuteurs de métier vous expliqueront qu'il y a l'art et la manière de confectionner un nœud coulant et de le disposer au col du condamné afin qu'il se rompe les vertèbres cervicales à l'ouverture de la trappe. A les croire, les bourreaux, âmes sensibles et humanistes incontestables, préfèrent infliger à leurs clients cette mort un peu brusquée mais tout à fait supportable plutôt que de les laisser prendre le temps de s'étouffer en gigotant au bout de la corde.

De toute façon, et cela ravira les plus subtils des amateurs de dérision, le pendu mourra du poids de sa propre vie.

Et la vie du plus désespéré des désespérés ayant reçu, au nom de la loi, "vocation à" aller se faire pendre ailleurs, aura encore bien assez de poids pour lui permettre de s'étrangler lui-même, ici et tout de suite...

Vision un peu idéalisée de la pendaison.

Samedi 13 août, on pouvait lire dans le Midi Libre :

Un Roumain de 45 ans qui était détenu au centre de rétention de Nîmes depuis le 31 juillet s’est donné la mort par pendaison. Le suicide a été découvert aujourd’hui, à 6 h.

La Cimade précisait, dans son communiqué :

Marius B. avait 45 ans, était marié et père de 2 enfants. D'origine Rom et de nationalité roumaine, il avait vendu tous ses biens pour venir travailler en France sur des chantiers. Il disait ne pas comprendre pourquoi il était ainsi retenu alors que citoyen européen il était seulement venu en France pour travailler.

Et l'on apprenait aussi que les autorités n'avaient pas jugé opportun d'informer du suicide de Marius les membres de la Cimade intervenant dans le centre de rétention où il était enfermé... Ils l'ont appris "par la rumeur" que l'administration, malgré son louable souci de ne pas déranger, n'a pu empêcher de courir.

Cette admirable discrétion de la direction du centre de rétention a été bien suivie par les quotidiens et hebdomadaires nationaux. Peut-être attendront-ils les résultats de l'enquête diligentée "pour déterminer les circonstances exactes [du] décès" de Marius ?

Laquelle conclura probablement à l'entière responsabilité de l'intéressé, qui a choisi de se pendre dans ce centre où, réglementairement, il avait tout pour être heureux en attendant son expulsion.

(Jean-Paul Nuñez, cité par le Midi Libre : "Les étrangers se trouvent dans une situation de néant, sont considérés comme du superflu. Toutes les considérations humaines sont mises de côté. Ces centres nouvelles générations sont à mettre au musée des horreurs. Il faut les fermer.")

Le très moderne et fonctionnel CRA de Nîmes.

La vie de Marius a cessé de peser sur le sol français où elle n'était pas bienvenue...

Mais, face à sa mort choisie en désespoir de tout, je ne peux toujours pas comprendre pourquoi cette vie était une charge insupportable pour la France.

samedi 20 août 2011

Le goût des mirabelles

Lorsque je me suis installé dans la maison que je continue d'occuper à Trifouillis-en-Normandie, m'est venu le désir évident, impératif et catégorique, de planter, sur le terrain qui la borde, un mirabellier. Et ce n'est que plus tard que je me suis rendu compte que je n'avais fait que réinstaller dans cette vallée toute proche du "plateau"où je suis né et ai grandi une part déjà largement oubliée de mon enfance.

A l'arrière du logis familial s'étendait un pré clôturé, en grande partie occupée par l’affairement stupide d'une troupe de poulets qui se faisaient d'enviables mollets en courant inutilement ici et là dans les limites imposées par un grillage assez distendu. Au fond, le long d'un mur de torchis, deux ou trois antiques charrettes achevaient leurs carrières, bien calées sur leurs brancards qui se perdaient dans les touffes d'orties. Elles possédaient encore leurs roues, mais elles finirent par les perdre : avec la vogue commençante des résidences secondaires, elles devinrent objet de convoitise pour les campagnards du dimanche qui rêvaient de les inclure en des bricolages déshonorants ou d'en extraire le seul moyeu afin de l'utiliser comme pied de lampe - voire comme support de pot de géraniums...

Cette étagère follement campagnarde
a au moins le mérite de prouver que
les ploucs ne sont pas ceux que l'on croit.
(En vente sur internet.)

A quelques encablures des carrioles abandonnées se tenait "mon" mirabellier. C'était un petit prunier exténué, à l'écorce crevassée, tout écaillée de lichens grisâtres. Ses branches tordues et desséchées portaient bien peu de feuilles et, chaque année, beaucoup moins de fruits que de feuilles, comme si son grand âge l'avait fait retomber à l'enfance de l'arbre. Mais ces fruits si rares étaient des mirabelles, les admirables mirabelles que je finissais par faire tomber sur l'herbe après avoir jalousement surveillé les étapes de leur avancée vers la maturité.

Le petit arbre finit par mourir, mais pas avant d'avoir eu un dernier sursaut de vitalité. Il se couvrit de fruits, et ses branches ployaient et cassaient sous la charge. Mais ce fut la dernière fois. Bien que je sois incapable de donner une date précise - étais-je encore à l'école du village, ou déjà "en pension" à Rouen ? -, je me souviens de la pointe de tristesse ressentie l'année suivante, la première année sans mirabelles.

Mirabelles de Trifouillis, 2011, détail.

Il faut croire que j'ai été le seul à vivre cet événement, puisqu'aucun(e) de mes frères et sœurs n'en a gardé le moindre souvenir...

D'ailleurs, personne n'accordait de soins particuliers aux arbres fruitiers qui vivaient leurs vies d'arbres fruitiers dans un certain abandon. Selon la tradition familiale, cela avait été, jusqu'à sa mort, l'affaire de mon grand-père paternel qui avait, je crois, planté un petit verger de poiriers et de pommiers "à couteau" à l'entrée du grand potager. Il taillait, amendait, élaguait, et, une fois la récolte faite, aimait, là-dessus les témoignages sont unanimes, confectionner de grandes tartes aux pommes qu'il faisait cuire dans le four à pain de la ferme.

(Je n'ai pas connu mon grand-père pâtissier occasionnel, à qui je dois peut-être la présence de "mon" mirabellier; il m'a fallu être déjà bien avancé en âge pour m’intéresser à lui et à son histoire. Des bribes recueillies, me hantera encore longtemps, je crois, l'image, insensée mais pleine de sens, de l'ancien poilu des environs de Verdun faisant creuser une tranchée à proximité de la maison familiale, en cette période, suivant le débarquement de Normandie, où, après avoir bombardé les ponts de la Seine, les avions alliés avaient un peu trop tendance à se délester du matériel explosif en surnombre au-dessus de notre plaine...)

Mirabelles de Trifouillis, réserve 2011, détail.

Pour moi qui n'ai jamais vraiment quitté l'école, les mirabelles ont toujours eu le goût de la fin de l'été et de la rentrée prochaine, qui mêle délicatement le sucré parfumé et la discrète amertume caractéristique de toute prune (digne de ce nom).

Un goût de "carpe diem, mais ça va pas durer"...

Tout le monde aura noté, pour cette année, une avance de trois semaines de l'arrivée à maturité des mirabelles. Le fait a été suffisamment remarquable pour que l'AFP publie une dépêche où sont reprises les publi-informations des producteurs de Lorraine, avec de judicieuses suggestions d'utilisation :

Le fruit est traditionnellement décliné en confiture, compote, coulis, sirop et tartes réalisées avec la "petite (mirabelle) de Metz", indique-t-on au Syndicat mutualiste des cuisiniers d'Alsace-Lorraine. "Mais avec la congélation, on peut faire toute l'année avec la 'grosse de Nancy' du crumble confit au miel de lavande, des beignets, du nougat glacé, des pruneaux, des sorbets voire du yaourt", ajoute-t-on.

Autant vous dire tout de suite que la "moyenne (mirabelle) de Trifouillis" a été, à la même période, récoltée par mes soins, et que je me suis bien gardé de la "décliner". Je l'ai dégustée, congelée, confite, conservée au sirop, tout ce que vous voudrez, mais surtout pas "déclinée"...

Et pour la première fois de ma vie, ce n'est qu'après avoir gaulé, ramassé et accommodé mes fruits que je suis parti en vacances.

En me disant qu'il n'y avait peut-être plus de saisons, mais que je m'en moquais : cette année, je ne ferai pas la rentrée...

Et je n'en ressens aucune amertume.

jeudi 18 août 2011

Gendarmes et voleurs

Quand on jouait encore aux gendarmes et aux voleurs, tout l'art du gendarme était de se trouver où le voleur ne l'attendait pas, alors que celui du voleur était de de ne pas se trouver où le gendarme l'attendait.

Dans le sérieux de la vraie vie, on peut dire que c'est à peu près la même chose, la rigolade en moins...

Et la science logicielle en plus.

Un article d'Erica Goode dans le New York Times, en partie repris par Corentin Chauvel dans 20minutes, révèle, en un scoupe estival qui fleure bon le marronnier, qu'un nouvel outil informatique, actuellement expérimenté à Santa Cruz, en Californie, pourrait apporter à l'avenir d'importantes modifications dans la tagadatactique du gendarme. Il s'agit d'un programme de prédictions criminologiques permettant à la maréchaussée d'être dans les lieux où ça craint au moment même où ça se passe.

Si on admet que ce type de prémonitions pifométriques basées sur les statistiques de la criminalité courante n'est pas vraiment nouveau, on insiste bien sur la scientificité pure et dure de cette expérience (santa)cruciale.

Cela donne, chez Corentin Chauvel :

Le logiciel de Santa Cruz est en tout cas le plus sophistiqué jamais utilisé, celui-ci se basant sur les modèles de prédiction des répliques de séismes. Il génère ainsi des projections sur les lieux et les horaires où les risques de futurs crimes sont les plus forts grâce à une base de données recensant tous les délits commis par le passé. Les projections sont rééditées chaque jour en fonction des nouveaux crimes qui ont lieu dans la ville.

(Ce qui me semble être une tentative presque désespérée d'adaptation française de la prose un peu plus claire, quoiqu'étazunienne, d'Erica Goode :

But Santa Cruz’s method is more sophisticated than most. Based on models for predicting aftershocks from earthquakes, it generates projections about which areas and windows of time are at highest risk for future crimes by analyzing and detecting patterns in years of past crime data. The projections are recalibrated daily, as new crimes occur and updated data is fed into the program.)

Pour renforcer la prétention au sérieux scientifique de la chose, un lien renvoie le lecteur à une sorte de présentation en 9 diapositives qui pourrait, j'en suis sûr, faire grande impression dans les commissariats de quartier.

Tout à fait convaincant, non ?

Pour ceux qui évoqueraient en ricanant les inénarrables spots publicitaires pour les pâtes dentifrices traquant la plaque dentaire jusque dans les coins - souvenez-vous de ces superbes séquences où un bellâtre au sourire éclatant et en blouse blanche commente la courbe d'évolution des populations de bactéries bouffeuses d'émail tout au fond de nos cavités buccales -, on précisera que ce programme a été mis au point par un solide groupe de chercheurs, comprenant deux mathématiciens, George Mohler et Martin Short, un anthropologue, Jeff Brantingham, et un criminologue, George Tita. Il n'y a peut-être pas lieu de cesser de ricaner, car cela soulage, mais on admettra qu'il y a là de quoi impressionner ceux des lecteurs qui ont la religion de la science...

Et pour ceux qui adhèrent avant tout à la culture du résultat, on soulignera que, "utilisé pour des vols de voitures mais également des cambriolages de maison, le programme a permis la prévention de plusieurs crimes et l’arrestation de cinq personnes" et, surtout, que la police de Santa Cruz "a recensé une baisse de 27% de cambriolages en un mois (par rapport à juillet 2010)".

Les truands n'ont pas encore mis au point leur propre logiciel prédictif, semble-t-il...

On distingue ici quelques endroits où des cambriolages n'ont pas eu lieu.

Les responsables de la police américaine, cités par Erica Goode, ont l'air très contents de ce logiciel très scientifique et semblent persuadés que son expérimentation est d'ores et déjà, après un mois et demi, un remarquable succès...

A la fin de son article, elle donne la parole à un certain Scott Dickson qui fait profession de "crime analyst" à Killeen, au Texas. Il estime que les programmes permettant de prévoir, et donc de prévenir, les délits sont, d'une certaine manière, des extensions assez naturelles des techniques couramment utilisées par des firmes comme Wal-Mart pour prévoir les habitudes consuméristes des clients qui fréquentent leurs magasins.

Voilà qui, en dégonflant quelque peu le baratin présentant le programme de Santa Cruz comme une géniale adaptation des modèles de prévision des répliques sismiques, éclaire un peu mieux la source d'inspiration des deux mathématiciens-tâcherons qui ont travaillé à son élaboration...

Et, bien sûr, cela amène à penser que, dans un avenir assez proche, le logiciel pourra indiquer à quelle heure et en quel lieu se présentera le futur délinquant, en précisant sa taille, son genre et, évidemment, la couleur de sa peau.


PS : J'ignore si ces techniques de pointe font partie du fameux "savoir-faire" français. A tout hasard, j'ai lancé l'un des plus brillants de mes anciens élèves, actuellement sans emploi, dans une recherche analogue, en lui suggérant de transposer le modèle de l'étude diagnostique des arythmies cardiaques - monsieur Guéant, à qui nous comptons proposer nos résultats, devrait y être sensible - dans le domaine de la prédiction criminologique.


mardi 16 août 2011

De ses nouvelles...

A la mort qui l'attendait au tournant il a préféré tourner le dos.

C'était hier, à Antraigues-sur-Volane...

Qui est assez loin de Mont-Saint-Aignan.



Mont-Saint-Aignan, en concert à Paris, le 18 septembre 2000.
(Paroles d'Allain Leprest, musique de Romain Didier)


Dans La Croix, on cite cette bribe d'interview :

Quand on me lance : "vous m’avez ému", je réponds : "J’ai dû vous voler votre histoire à un comptoir, sur un trottoir."

Possible qu'on se soit croisés, un jour ou l'autre, puisque nous étions "pays", mais je suis bien sûr que tu ne m'as rien volé, Allain.

Pas ton genre.

Et pourtant, tu n'as pas fini de m'émouvoir...




Il pleut sur la mer, sur des peintures et dessins d'Allain Leprest.
(Paroles d'Allain Leprest, musique d'Étienne Goupil.)