jeudi 15 mars 2012

Réchauffement du climat de xénophobie

Depuis que leur présence sur le territoire national a été officiellement désignée comme "problème", les campements des Rroms font, semble-t-il, l'objet de plus d'attention(s) de la part des médias. C'est ainsi qu'on a pu se rendre compte qu'en plus d'être illicites la plupart étaient terriblement inflammables, avec une sensibilité particulière aux "causes accidentelles".

Durant la nuit du 23 au 24 février, un incendie a détruit un ancien entrepôt, situé Chemin du Catupolan à Vaulx-en-Velin, qui abritait environ 140 personnes, arrivées là depuis le mois de septembre 2011 ou même avant. L'origine accidentelle du sinistre a été mis en avant par monsieur Jean-Luc Joubert, directeur du cabinet du maire de Vaulx-en-Velin, avec une pointe de fatalisme :

"Il est arrivé ce qu’on craignait. Comme dans tous les squats, ils se chauffaient comme ils pouvaient, c’était risqué."

La moitié des occupants, restés sur place, ont été hébergés dans le gymnase Ambroise Croizat, avenue Salengro, à Vaulx-en-Velin, en attendant une solution d’urgence qui apparemment n'est pas venue. Tout en leur ouvrant les portes, le maire de Vaulx-en-Velin, monsieur Bernard Genin, avait, le jour même, "pris un arrêté de fin d’occupation des lieux". "Afin, disait-il dans un communiqué, « de mettre l’État, et donc ses représentants, devant leurs responsabilités dans cette situation »". A la suite de cette sympathique initiative de l'élu communiste, l'expulsion aurait dû attendre la décision du tribunal administratif de Lyon. Mais il devait y avoir vraiment urgence. Elle eut donc lieu sans attendre l'avis du juge, le 28 au matin, et dans des conditions d'hypocrisie suffisantes pour que personne, à la mairie comme à la préfecture, ne parle d'expulsion...

Dans un article de Rue89Lyon, une militante associative raconte :

"Le maire de Vaulx-en-Velin, Bernard Genin, était présent jusqu’à 8h30. La police est arrivée peu de temps après son départ. Ils étaient une quinzaine. Ils ont rassemblé la cinquantaine de personnes encore présente (la préfecture parle de 25 personnes, ndlr), ceux qui n’étaient pas partis faire la manche. Ils ont contrôlé leurs papiers et relevé les identités. Aucune Obligation à quitter le territoire français (OQTF) n’a été délivrée. Ensuite, les policiers leur ont dit de préparer leurs affaires et de partir."

Procédé exemplaire qui permet donc à la porte-parole de la préfecture de tenir les propos suivants :

"Les policiers ont procédé à des contrôles d’identité, parce qu’il y avait des personnes en situation irrégulière. Contrôles effectués en signifiant aux gens qu’ils ne pouvaient pas entrer dans le gymnase et qu’il y allait y avoir une intervention dans l’après-midi. Quarante minutes après, les gens sont partis d’eux-mêmes. (…) On a simplement dit aux gens qu’ils ne pouvaient pas rester là, puisqu’ils occupaient le gymnase illégalement."

Et à monsieur Jean–Luc Joubert, directeur du cabinet du maire, de soutenir de son côté :

"On n’a pas été prévenu de l’intervention de la préfecture. J’étais présent quand la PAF s’est présenté à 9h45 au gymnase. C’était un contrôle d’identité comme il y en a habituellement. Les gens sont partis directement, il n’y a donc pas eu d’expulsion, ce n’était pas un déplacement de force. Peut-être qu’ils voulaient faire un petit contrôle avant la décision du tribunal."

Un grand maître à penser pour casuistique municipale et/ou préfectorale,
Antonio de Escobar y Mendoza, SJ.

Après avoir récupéré les quelques affaires qu'ils avaient pu sauver de l'incendie, les (non)-expulsés sont donc partis. Dans le quartier de la Rize, ils ont trouvé refuge dans un ancien atelier, promis à la démolition et appartenant à Grand Lyon Habitat. Ils ont commencé à aménager le hangar et installé dans une maison vide située sur le même terrain une femme qui vient d'accoucher. On raconte que certains habitants "de ce paisible quartier pavillonnaire" les auraient aidés, en apportant "des casseroles, de la nourriture, de l’eau ou du bois pour faire du feu". Mais on dit aussi que cette installation n'a pas été "du goût des riverains de ce quartier résidentiel qui s'en sont émus auprès de la police et de la mairie".

Samedi soir, un des voisins, se disant victime d'un cambriolage, aurait pris à partie des occupants du squat, les accusant de lui avoir volé de l'argent et des bijoux. Cette altercation aurait donné lieu à un échange d'insultes sans conséquences.

C'est plus tard que sont arrivées "quatre voitures occupées par des jeunes", lesquels "jeunes" - en provenance d'un autre quartier - se sont employés à caillasser le campement en privilégiant les vitres des voitures et les fenêtres de la maison attenante. Fabien Fournier, pour Lyon Capitale, estime que cette agression a duré une heure, tout en notant que "la police est arrivée sur place"... Laurent Burlet, pour Rue89Lyon, cite "une habitante de Vaulx-en-Velin", bien connue pour son soutien aux Rroms, mais dont il a changé le prénom :

"Ils m’ont appelée. Quand je suis arrivée sur les lieux, il y avait cinq voitures de police et un groupe de jeunes qui faisaient face aux Roms. Ils les insultaient et ils ont dit « on va revenir mettre le feu ». A côté d’un policier ! Lui faisait comme s’il n’entendait pas."

Le dimanche soir, une autre altercation a opposé des riverains aux bénévoles qui avaient commencé à distribuer un taboulé. Une cantinière raconte :

"Un monsieur très agressif a débarqué. Il nous a dit qu’on devrait avoir honte de leur servir à manger car il y avait eu des vols chez lui. Pour lui, aucun doute, ce sont les Rroms les coupables."

Ce n'était terminé pour la soirée car la menace de la veille était bien à prendre au sérieux. Les "jeunes" sont revenus. Il semble qu'ils n'aient pas pu pénétrer dans le campement, mais ils ont lancé des cocktails genre molotov. L'un d'entre eux a mis le feu à une fourgonnette, qui s'est enflammée comme savent le faire ces engins : de manière assez communicative. Le garage-atelier d'un riverain a été touché. Les pompiers sont intervenus rapidement, ainsi que les policiers... Mais personne n'a été interpellé.

Photo empruntée à Romain Costaseca,
photographe du Collectif Virgule.

Les interprétations de cette attaque sont assez variées dans les détails. Les agresseurs ont été décrits comme "jeunes de type maghrébin ne résidant pas sur place", et la *o*opresse en ligne a titré sur un "Affrontement entre maghrébins et Roms". Sans smiley, les lecteurs auront compris. Monsieur Raymond Meynier-Badin, adjoint au maire, qui était d’astreinte ce week-end, et sur place ce samedi, laisse entendre que "la présence des Roms dans l’entrepôt dérange une bande", et certains "parlent de lieu de deal".

Selon cet élu gauchofrontiste, le dérangement ne devrait pas durer puisque le propriétaire a entamé une procédure de demande d'expulsion. Il "promet que ça prendra « quelques jours » et que, d’un autre côté, le maire de Vaulx-en-Velin (PC-Front de gauche) travaille avec le préfet au relogement des Roms". Au vu des antécédents du monsieur dans l'affaire du gymnase, cela veut sans doute dire qu'on a toutes chances de retrouver d'ici peu une soixantaine de personnes à la rue. Dont un bébé, mais il aura déjà presque un mois, cela paraîtra beaucoup moins scandaleux...

Précisons : on ne parle pas ici du dérangement supporté par la prétendue bande de présumés dealers - d'eux, la police s'occupera, quand elle en aura le temps -, mais de celui qu'ont à endurer les habitants du "paisible quartier pavillonnaire" pour qui, nous dit l'adjoint, "les Roms sont au cœur du problème".

Laurent Burlet - Rue89Lyon - est allé à la rencontre de ces habitants, et il propose un florilège de ses notes.

Il a notamment croisé le chemin d'une personne porteuse d'une pétition, mais qui ne veut pas la montrer.

« C’est une pétition pour qu’on s’occupe d’eux. Pour qu’on leur apporte de l’eau et des toilettes », nous dit-elle.

Un peu plus tard, la dame est un peu plus franche :

"Ils doivent partir car leur présence génère de l’insécurité."

Dit-elle.

Et mine de rien, le journaliste peut lire l’objet de cette pétition confidentielle : « Pétition des riverains face à la montée de la violence dans notre quartier ».

On la trouverait presque attendrissante, cette dame qui fait signer son infect torchon pétitionnaire en prenant des précautions d'anonymat devant la presse. On la sent non pas fragile, mais encore un peu frileuse. Il ne fait aucun doute, cependant, qu'avec l'évolution du climat, sa xénophobie va pouvoir s'épanouir.

La floraison s'annonce splendide.


PS : Aujourd'hui, 17 mars, un utile complément d'information sur IndyMédia Paris.

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